Traverser l'Europe sans avion

Publié le 11 septembre 2024

#Europe #transports #voyager autrement

L'Europe, c'est plutôt grand. Plus de 10 millions de kilomètres carrés de surface, 4700 km entre Lisbonne et la mer Caspienne, 3700 km entre la Crète et le plus septentrional des fjords de Norvège. Nous ne sommes pas vraiment habitué à couvrir de telles distances autrement qu'en avion... Alors que c'est tout à fait possible ! 🚂🚌

Voyager autrement

A travers cet article, nous souhaitons partager notre expérience et déconstruire la représentation du voyage actuel, dont la destination doit être accessible rapidement, au profil des voyages bas carbone. Nous souhaitons rendre plus visibles les alternatives qui ne prennent pas en compte uniquement la destination, mais aussi tout le processus du trajet, tout aussi riche en expériences et en rencontres.

Nous avons déjà évoqué dans notre tout premier article l'impact non-négligeable du transport sur le bilan carbone d'un voyage. En particulier, c'est le choix du mode de transport qui est déterminant dans ce calcul. Par exemple, pour un trajet moyen-courrier (disons, Paris-Athènes, environ 2000 km) un bus de ligne aura un impact carbone par passager environ 6 fois moins important qu'un avion, et un TGV environ 60 fois moins (source : Impact CO2).

Alors oui, effectivement, un trajet en train sera souvent plus cher, et un trajet en bus certainement plus long. Mais ne pourrait-on pas redéfinir notre conception de voyage en repensant la place du coût et du temps ? C'est une des questions ouvertes que nous posons avec ce blog (sans pour autant y apporter une réponse qui se voudrait dogmatique). Ce prisme au travers duquel le voyage est souvent organisé, nous le remettons en question avec ce projet et nous faisons part ici de nos réflexions.

Car, aujourd'hui, il est communément admis que voyager doit se faire sur un temps souvent trop court. Quelle place laisser au trajet quand on a que quelques semaines de congés par an et qu'on souhaite aller quand-même un peu plus loin que les plages de l'Atlantique ou de la Méditerranée ? Destinations de rêve + billets d'avion pas cher + 1 semaine de vacance = combo gagnant pour les vacanciers... mais malheureusement pas pour la planète. 😥

Mais, sans parler des destinations vraiment lointaines, si on se concentre sur notre propre continent qui regorge de lieux magnifiques, on peut facilement voyager autrement. Si, si, beaucoup plus facilement qu'on ne le pense !

Pour prendre un exemple, la première étape de notre périple a été Istanbul, ville-frontière entre deux continents, figurant déjà comme bien lointaine vue depuis notre hexagone natal. Cette destination, nous avons pu la rejoindre en 3 jours et 4 nuits sans avion.

Et quelle destination !

Et quelle destination !

L'exemple de notre trajet de Paris à Istanbul

Nous avons fait le choix de prendre majoritairement des trains et bus de nuit, afin de pouvoir profiter des villes-étapes le jour, et de diluer les temps de trajets avec le sommeil (ou pas 🥲). Cela a aussi eu l'avantage non négligeable d'économiser sur les logements que nous n'avons pas pris dans lesdites villes.

Pour déterminer notre trajet, nous nous sommes inspirés de ce que propose l'excellente plateforme Mollow (dont nous parlons en détail plus bas). Nous y avons repéré un exemple de trajet Paris-Istanbul en 3 jours qui passe par Vienne et Bucarest. Malheureusement pour nous, la ligne de train Paris-Vienne était en travaux aux dates de notre départ et nous avons dû ajouté une étape supplémentaire à Stuttgart entre les deux capitales. Pour les réservations, que nous avons réalisées 2 mois en avance, nous sommes passés soit par les compagnies locales de chaque pays, soit par des compagnies internationales.

Nous avons choisi de faire un trajet plutôt "à la roots" en ne prenant pas de couchettes (essentiellement pour économiser sur le prix des billets). Bien mal nous en prit, car il faut savoir que les trains dans lesquels nous étions font beaucoup d'arrêts (plus de 20 entre Vienne et Bucarest !) et que les contrôles aux frontières peuvent arriver en pleine nuit. Si c'était à refaire, nous opterions soit pour quelques couchettes pendant le trajet, soit pour une nuit intermédiaire avec un vrai lit. 😴

La joie des trains de nuit sans couchette 🙃

La joie des trains de nuit sans couchette 🙃

Pour résumer, le trajet a été le suivant :

  • Paris - Stuttgart : 11h15 en bus avec FlixBus
  • Stuttgart - Vienne : 11h en train avec OBBNightJet
  • Vienne - Bucarest : 19h30 en train avec CCSR
  • Bucarest - Istanbul : 11h10 en bus avec FlixBus

Au final, nous avons déboursé 180 euros chacun pour relier Paris à Istanbul, ce qui n'est pas si éloigné du prix d'un billet d'avion (pour les mêmes dates et pris en avance). Et pour ce qui est de l'empreinte carbone, nous l'avons réduite de plus de la moitié en ne prenant pas l'avion (188 kgCO₂e au lieu de 422) !

Une Europe encore inégale

Quoi ? Seulement ? Tout ceci n'était donc qu'un beau discours écolo-bobo tissé de mensonges ? 😠

Alors non, nous n'avons pas menti. Mais nous avons omis quelques détails un peu plus tôt dans cet article... En fait, les chiffres avancés par l'ADEME sur lesquels nous nous sommes basés pour notre petite démonstration plus haut sont valables... pour la France (et pas pour les autres pays). Ce qui change essentiellement entre chaque pays, c'est le coût carbone de la production électrique.

En effet, un autocar roulant au diesel polluera autant en France qu'en Espagne ou en Pologne (à peu de choses près). Mais ce n'est pas le cas pour les modes de transports utilisant de l'électricité, car la façon d'en produire impact énormément le coût carbone final de son utilisation. Par exemple, en Allemagne, l'impact carbone de la production d'un kilowatt-heure est presque 7 fois plus élevé qu'en France (source : Our World in Data). C'est pour cette raison que notre empreinte carbone sur ce trajet n'est réduite "que" de moitié par rapport au même trajet en avion.

Intensité carbone de la production électrique dans le monde en gCO₂e par kilowatt-heure (source : Our Wolrd in Data)

Intensité carbone de la production électrique dans le monde en gCO₂e par kilowatt-heure (source : Our Wolrd in Data)

Est-ce pour autant une raison de ne pas faire cet effort ?

En tout cas, ce n'est pas ce que nous en concluons. Car si aujourd'hui certains pays sont à la traîne pour ce qui est de la production d'une électricité décarbonée ou presque, ces derniers ont une marge de manœuvre énorme pour atteindre le niveau des meilleurs (dont la France fait partie, cocorico !). De l'autre côté, les solutions pour décarboner le secteur de l'aviation sont au mieux fantaisistes, au pire inexistantes (avec pas mal de greenwashing entre les deux, il faut se le dire). Si les pays traversés avaient le même impact carbone que la France pour leur production électrique, notre trajet aurait généré... 5 fois moins d'émission qu'en avion.

Et puis, réduire de moitié les émissions liées au mode de transport, c'est déjà une avancée non négligeable dont il serait dommage de se priver étant donné son accessibilité. 🙂

Mais comment s'y prendre alors ?

Nous sommes loin d'être les premiers à aborder ce sujet. De nombreuses personnes ont déjà fait l'expérience du voyage sans avion et certaines d'entre elles ont même créé des outils pour faciliter la transition. Nous en avons beaucoup bénéficié pour ce projet, et nous tenons à les partager pour les faire connaître !

Déjà mentionné plus tôt, Mollow est une plateforme lancée par deux ingénieures françaises qui propose des itinéraires faisables quasi-exclusivement en train depuis la France. Les destinations couvertes sont principalement en Europe et, lorsque vous cherchez un trajet, vous pouvez facilement voir le coût estimé, l'impact environnemental et la durée conseillée pour le voyage. Leur slogan : "non aux itinéraires génériques et oui aux pépites cachées le long des voies ferrées !"

Hourrail est également une plateforme française proposant peu ou prou les mêmes services, avec des articles de blog et des guides par pays et villes en plus. Ce "média du voyage bas carbone" est une véritable mine d'or en ce qui concerne les alternatives à l'avion en Europe.

Plus gadget, Chronotrains est un outil permettant de visualiser sur une carte toutes les destinations possibles en train jusqu'à 8h de trajet depuis n'importe quelle ville européenne. Très pratique quand on veut juste avoir une idée du temps minimum à passer dans un train.

Enfin, nous ne pouvons pas passer à côté de Rome2Rio, la plateforme qui nous a le plus aidé dans la mise en place de notre itinéraire tout au long du voyage. Beaucoup plus connue, cette plateforme n'est pas spécialisée dans les trajets bas carbone, contrairement aux précédentes. Elle a pour but de regrouper tous les itinéraires connus de la planète en train, bus, ferry et avion (rien que ça). Bien évidemment, on ne retrouvera pas vraiment tous les trajets possibles, mais il y en a déjà plusieurs centaines de milliers qui permettent de prévoir un trajet bas carbone entre deux villes du monde. De plus, la plateforme essaie, quand c'est possible, de donner les horaires, les fréquences de passage, les prix et les liens vers les compagnies opérantes. Que demander de plus ? 🤗

Conclusion

Après avoir vécu ce voyage, nous ne pouvons que recommander et encourager à emprunter des modes de transport plus lents. Nous avons adoré ce trajet qui était un véritable voyage dans le voyage, comme une mise en condition progressive de ce que nous nous apprêtions à vivre à son terme. Nous avons beaucoup profité des paysages changeant au long de la route et des rails et nous avons pu admirer des régions que nous ne connaissions pas, comme la campagne autrichienne ou la montagneuse et boisée Transylvanie en Roumanie.

Le lac de Feursee et son église à Stuttgart, une des pépites trouvées en chemin !

Le lac de Feursee et son église à Stuttgart, une des pépites trouvées en chemin !

Bien plus qu'un simple trajet, ce voyage de plusieurs jours nous a permis, entre les nuits de transport, de prendre le temps de découvrir les villes pas lesquelles nous sommes passées. Ces 3 jours et 4 nuits ont intégralement fait partie du voyage dans son ensemble, et nous avons eu l'impression d'être partis pendant beaucoup plus longtemps qu'en réalité. Bon, peut-être aussi parce que les nuits étaient un peu courtes, mais rien de tel pour avoir l'impression de vivre deux journées en une et allonger un peu la durée de ses vacances 😉