Les activités avec éléphant, ça trompe énormément

Publié le 25 janvier 2025

#expériences #Asie du sud-est #animaux

Notre passage en Thaïlande a été pour nous l'occasion de voir des éléphants ! Nous avons eu la chance d'en rencontrer trois lors d'une visite à la Somboon Legacy Foundation, une super association qui s'emploie à offrir une retraite paisible aux éléphants maltraités. On vous raconte 🐘🤗

L'éléphant d'Asie est un animal emblématique indissociable de la Thaïlande. Il fait partie intégrante de son histoire et on en trouve des représentations un peu partout encore aujourd'hui (l'éléphant tricéphale Erawan est même le symbole de la royauté thaï).

Pour autant, on ne peut pas vraiment dire que les représentants de cette espèce sont traités avec tout le respect qui leur est dû...

Un emblème aux conditions de vie peu enviables

Sur une population totale estimée entre 48 000 et 52 000 individus (en 2018), la Thaïlande compterait entre 3 000 et 3 500 éléphants sur son territoire, dont la moitié en captivité.

Comme ses cousins d'Afrique, l'éléphant d'Asie est une espèce classée "en danger" par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature, ce qui veut dire que l'espèce risque de disparaître à court ou moyen terme si sa situation ne s'améliore pas. La sous-espèce moins connue d'éléphant d'Afrique des forêts est même "en danger critique", le dernier niveau de risque avant l'extinction à l'état sauvage 🚫

En Thaïlande, les éléphants ont historiquement eu une place importante pour plusieurs usages :

  • à la guerre, en tant que monture et arme dévastatrice ;
  • comme symbole de pouvoir pour les royaumes locaux ;
  • comme symbole religieux et sacré ;
  • en tant que bête de somme pour des travaux agricoles, principalement dans l'exploitation forestière.

Cette dernière catégorie était l'usage principal des éléphants captifs jusqu'en 1989, date à laquelle elle a été abolit. Après ça, les mahouts (entraîneurs et gardiens d'éléphants) se sont massivement tournés vers le secteur du tourisme, notamment en faisant se balader leur monture en ville avec un panier de fruits que les passants pouvaient acheter pour leur donner à manger. Ils pouvaient aussi à cette occasion être forcés de faire des tours ou des acrobaties.

Même si cette pratique des "éléphants mendiants" a été interdite en 2010, d'autres pratiques touristiques se sont progressivement développées et sont encore pratiquées aujourd'hui :

  • faire une balade à dos d'éléphant ;
  • prendre un bain de boue avec eux ;
  • leur donner à manger ;
  • les observer en semi-liberté.

Nous expliquerons pourquoi dans la suite de l'article, mais vous pouvez dors et déjà noter que seule la dernière de ces pratiques est quasi sans risque pour eux... et pour nous.

À la recherche d'un tourisme (vraiment) éthique

Avant d'arriver en Thaïlande, nous étions déjà un peu sensibilisé aux conditions de vie des éléphants dans le secteur du tourisme. Et elles sont plutôt déplorables... 😢 Ni son statut emblématique dans l'histoire du pays ni les peines très lourdes qu'encourent celles et ceux qui tuent un éléphant empêchent une exploitation généralisée et des pratiques de maltraitance largement utilisées.

Éléphanteaux retirés de force à leur mère, entrave totale ou partielle avec des chaînes ou des cordes, utilisation de bullhook, techniques diverses pour briser psychologiquement et empêcher toute volonté de rébellion... Toute leur vie, les éléphants en captivité subissent ce genre d'atrocités pour servir une industrie touristique qui a du mal à évoluer.

Pour nous, il était évident de trouver un moyen d'en voir sans participer à tout ça. Nous nous sommes donc mis à la recherche de sanctuaires pour éléphants, croyant naïvement que l'appellation "sanctuaire" nous garantissait une expérience parfaitement éthique et respectueuse de l'animal... Mais nous avons vite déchanté en nous rendant compte que, non seulement l'appellation n'était pas du tout protégée (oui bon, d'accord, c'est un réflexe bien français, on l'admet), mais qu'en plus beaucoup de parcs touristiques ont ajouté "sanctuaire" à leur nom parce que ça fait plus vendeur 🤢 Il y a même une baisse du nombre de parcs qui proposent de monter à dos d'éléphant, ce qui est une bonne chose, mais c'est uniquement parce que la pratique commence à être mal vue des touristes et que du coup c'est moins bon pour le bizness...

Bref, la prise de conscience éthique globale envers l'animal n'est encore qu'un lointain horizon.

Heureusement, il existe de vrais sanctuaires qui arrivent à conjuguer tourisme et bien-être de l'animal. C'est notamment le cas de la Somboon Legacy Foundation qui nous a accueilli pendant une demi-journée pour que nous puissions observer ses pensionnaires.

Une maison de retraite cinq étoiles

À notre arrivée, nous avons été accueilli par Camille et Benjamin, deux bénévoles français en mission d'un mois au sein de la fondation. Après un petit briefing, nous sommes partis à la rencontre des trois éléphantes en compagnie de nos guides. Ici, pas de clôtures ni de chaînes ou de cordes, les éléphantes ont à leur disposition plusieurs hectares de nature et leurs seuls mahouts pour les encadrer.

Après à peine quelques minutes de marche, nous tombons sur la dernière arrivante : Kham Phaeng. Âgée d'une soixantaine d'années, elle a été sauvée en décembre 2023 d'un centre de trekking de Pattaya où elle servait de monture pour les touristes et restait enchaînée le reste du temps (ses entraves l'ont empêché de dormir allongé pendant au moins 10 ans).

Les bénévoles nous ont expliqué qu'elle avait encore beaucoup de réflexes liés à son conditionnement, comme par exemple venir chercher d'elle-même le contact avec des humains (elle s'approche régulièrement des bungalows où les bénévoles et les visiteurs se retrouvent). Elle est aussi d'un naturel aventureux, ce qui peut donner du fil à retordre à son mahout qui doit la rattraper régulièrement quand elle se dirige vers les bananeraies des alentours.

Kham Phaeng se met de la crème solaire ☀️

Kham Phaeng se met de la crème solaire ☀️

Nous avons ensuite fait la connaissance de Kammoon, la matriarche du groupe. Ce n'est pas la plus âgée (entre 80 et 85 ans tout de même), mais la plus indépendante et la plus décisionnaire. Toute sa vie, avant d'arriver à la fondation, elle a été un éléphant-mendiant à Isaan. Elle et son mahout de l'époque sillonnaient la ville avec des fruits qu'il proposait aux touristes pour nourrir Kammoon contre de l'argent.

Les éléphants ont un régime alimentaire naturel majoritairement constitué de plantes. Avoir été nourrie pendant toute sa vie de fruits (de mauvaise qualité) l'a conduite à être en surpoids (3.5 tonnes quand-même) et à développer une boulimie dont elle ne se débarrassera peut-être jamais.

Kammoon en plein repas (qui dure toute la journée)

Kammoon en plein repas (qui dure toute la journée)

On la retrouve souvent en compagnie de la doyenne du groupe, Malee. Avec près de 90 ans, cette dernière est une éléphante plus réservée qui prend son temps pour tout. Plus jeune, elle était employée comme bête de somme dans l'exploitation forestière en transportant des troncs d'arbres coupés à travers la jungle (inutile de préciser que tout ceci ce faisait dans des conditions affreuses).

Un jour, un tronc lui est tombé dessus et lui a cassé une patte. Cet incident l'a en quelque sorte sauvée puisque, trop abîmée pour continuer à travailler, elle a été revendue à un parc animalier pour touristes. Elle y est restée quelques années avant d'être récupérée par la fondation. Aujourd'hui, très âgée et presque aveugle, elle est beaucoup aidée au quotidien par Kammoon, que ce soit pour la guider vers sa nourriture, ou pour l'encourager à aller dans la rivière pour prendre son bain (d'après les bénévoles, elle aime surtout jouer la comédie pour ne pas y aller 🤭).

Malee est une mamie, elle fait des siestes sur sa trompe 😴

Malee est une mamie, elle fait des siestes sur sa trompe 😴

Nous avons appris beaucoup de choses en discutant avec les bénévoles et en leur posant des questions sur leurs pensionnaires. Notamment, et cela nous a surpris, les éléphants à l'état sauvage vivent rarement au-delà de 60 ans, tout simplement parce qu'à cet âge ils perdent leurs dernières dents, ne peuvent plus manger correctement et finissent par en mourir. Au sein du sanctuaire, les mahouts et les bénévoles vont donc adapter l'alimentation des éléphantes pour que les repas soient plus facile à manger et digérer. On leur broie même carrément certains élément pour en faire de la bouillie : un vrai traitement pour mamies édentées 👵

Ici, les éléphantes sont en contact direct uniquement avec leurs mahouts. Personne d'autre, pas même les bénévoles, ne peut s'approcher des pensionnaires, même pour leur donner à manger ou les aider à prendre leur bain. Et c'est une excellente chose !

Cette politique est appelée "hands-off" (littéralement : "pas touche"), et c'est réellement la meilleure façon de rencontrer des éléphants.

La nature est, le plus souvent, indomptable

Il faut bien comprendre une chose : l'éléphant est un animal sauvage. Il n'est pas domestiqué. Cela veut dire que le contact humain n'est absolument pas naturel pour lui, qu'il en a naturellement peur et qu'il peut réagir violemment à ces contacts. Étant le plus gros mammifère terrestre, ses réactions peuvent être extrêmement dangereuses, et il y a malheureusement très souvent des accidents, parfois mortels, mais surtout évitables.

L'éléphant est également un animal avec des sens très développé, notamment l'ouïe, l'odorat et le toucher (il peut ressentir des vibrations dans le sols avec ses pattes jusqu'à plusieurs kilomètres autour de lui), ce qui le rend particulièrement inadapté à notre environnement bruyant et sensible à notre présence (également souvent bruyante).

C'est pour cette raison que prendre un bain avec des éléphants, ou les approcher suffisamment pour les toucher, ou même leur donner simplement à manger ne constituent pas des pratiques respectueuses de l'animal. Une seule personne que l'animal connaît bien (comme son mahout) ne pose généralement pas de problème, c'est la présence rapprochée de beaucoup d'humains dont ils n'ont pas l'habitude et qui les rend particulièrement nerveux et stressé.

De plus, pour éviter que cette nervosité ne les conduise à blesser les personnes autour d'eux, les mahouts contrôlent leurs éléphants de manière constante, accentuant encore plus leur stress et leur inconfort. Si on ajoute à ça un constant chaud/froid entre les moments d'activités avec les touristes où ils sont sursollicités et les moments d'attente où ils sont enchaînés sans possibilité de bouger... on imagine bien que ce ne sont pas des situations idéales pour eux.

Heureusement, ce n'est plus le cas partout, et de plus en plus d'associations / de fondations / de parcs voient le jour ou remettent en question leurs pratiques pour adopter une démarche plus éthique et responsable vis-à-vis de l'animal. Il en existe aujourd'hui beaucoup, et nous avons souhaité avec cet article prolonger leur travail de prévention et d'information.

Et nous sommes bien content d'avoir fait nos recherches avant de nous lancer dans cette activité, car rien n'aurait été plus beau pour nous que d'observer ces éléphantes être elles-même, en bonne santé et l'air serein 😊